Bonnes pratiques numérique responsable pour les organisations

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Consultation publique

Afin de valider ou d'enrichir ce guide, une consultation publique a eu lieu jusqu'au 1er avril 2022.

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Exemples de bonnes pratiques à adapter selon le contexte de l'organisation.

Stratégie et gouvernance

La situation environnementale, la « santé » économique, les aspects sociaux et sanitaires, les capacités d’approvisionnement, etc. vont évoluer au cours des prochaines années beaucoup plus rapidement qu’au cours des décennies passées à cause notamment du changement climatique et de la tension sur les ressources de la planète. En conséquence, pour que des bonnes pratiques soient adaptées aux contraintes, utiles et opérationnelles, il est indispensable qu’elles évoluent en fonction du contexte.

La structuration et le cadre sont donc au moins aussi importants que le contenu de la démarche. La structuration interne à l’organisation devrait a minima intégrer :

  • L’engagement des membres de la structure, au-delà des seuls acteurs du Système d’Information (SI) ou directions du numérique, notamment via des réflexions collectives, des engagements formels, des processus participatifs par exemple.
  • La mise en place d’un groupe de pilotage, indépendant de la direction, pour évaluer l’empreinte environnementale de l’ensemble des activités numériques de la structure qui aille au-delà des seuls acteurs du Système d’Information de façon à éviter les transferts de pollution et les effets rebond. Ce groupe pourrait être en charge de l’application de ce code de bonne conduite, incluant l’écoute et la mise en lien des différents acteurs dans les différents métiers, la mise en place de dispositifs participatifs, un rendu régulier et une révision des bonnes pratiques à mettre en place en fonction de l’évolution de la situation.

Cette structuration peut prendre différentes formes et s’opérationnaliser de différentes façons.

Sensibilisation et formation

Le préalable à tout changement volontaire et engagé est la connaissance. C’est pourquoi, il est indispensable de sensibiliser, de former, d’acculturer l’ensemble des collaborateurs aux enjeux de la transition écologique (changement climatique, limites planétaires et perte de biodiversité principalement).

S’engager vers un changement profond de fonctionnement nécessite d’y intégrer les dimensions sociales, sociétales et les outils et techniques d’animation pour impliquer réellement tous les acteurs.

Développer une vision et une pensée systémiques sont à la base du développement de la pensée critique permettant d’identifier les croyances, les « allant de soi », les tabous, etc. C’est une nécessité pour aller plus loin, ailleurs, imaginer des solutions radicalement différentes, sortir de la pensée en « silo », ouvrir des possibles et éviter les effets rebond ou autres effets indirects négatifs.

Enfin, sur un plan plus opérationnel, il y a une multitude de bonnes pratiques à mettre en œuvre, de compétences de développement ou de réparation à acquérir pour que la durabilité et la sobriété ne soient pas des mots creux.

Les actions de sensibilisation devraient idéalement concerner tous les acteurs de l’organisation et les actions de formation les plus volontaires, les directions, les participants aux processus participatifs.

Idéalement toute organisation devrait être en mesure d’assurer au moins de la sensibilisation en interne.

Mesure et évaluation

La mesure et les estimations sont nécessaires pour objectiver les progrès à faire ou réalisés. Pour autant, il faudra veiller à ce que la mesure, l’évaluation ne deviennent pas une fin en soi, avec le risque de rechercher un niveau de précision qui n’a pas de sens et n’est pas nécessaire pour agir !

L’évaluation des impacts du numérique devrait idéalement inclure plusieurs indicateurs environnementaux (dont les émissions de gaz à effet de serre, la pollution, la quantité de déchets, la quantité d’eau douce, la quantité de ressources minérales) et sociaux (notamment l’accessibilité, la qualité de vie au travail, etc.) :

  1. les impacts directs du numérique au sein de la structure,
  2. Les impacts indirects
    • les impacts liés à la sous-traitance de tout ou partie des services fournis (services numériques, traitement des achats, des déchets, etc.),
    • les impacts induits par l’achat ou l’utilisation de services ou d’équipements (non numériques) du fait de l’existence de certains services numériques et/ou d’optimisations rendus possible par l’utilisation du numérique,
    • les impacts générés chez les « clients » de la structure du fait des services numériques ou produits proposés.

Réduction des achats

Parce que l’empreinte environnementale des équipements électroniques est très importante, voire majoritaire sur la phase de fabrication, l’action la plus efficace est la réduction de la production d’équipements électroniques neufs (téléphones, écrans, capteurs, serveurs, consoles de jeux, etc.). Du côté du consommateur, cela peut se traduire par une diminution du nombre d’achats (neufs ou d’occasion) et la prolongation de la vie effective des équipements utilisés.

L’alibi d’un équipement neuf qui consomme moins d’énergie pendant sa phase d’usage ne vaut que pour les serveurs après plusieurs années (qui consomment beaucoup d’énergie et sont alimentés 24h/24). Les simulations réalisées pour des terminaux de type portable montrent qu’il faut plusieurs dizaines d’années d’utilisation pour que le bénéfice d’une réduction de la consommation moyenne soit visible.

Les bonnes pratiques permettant d’œuvrer à l’allongement de la durée d’utilisation des équipements se situent à différents niveaux.

Au niveau du matériel, l’arbitrage entre achat et location en vue d’une optimisation de la gestion des différentes phases de la vie des équipements est un choix stratégique. Celui-ci implique néanmoins des bonnes pratiques similaires, par exemple prévoir des clauses garantissant la réparation durant une période suffisamment longue ou augmenter si besoin les capacités des matériels par l’ajout ou le remplacement de composants.

Il est aussi possible d’agir au niveau des services numériques en évitant les mises à jour requérant plus de ressources que nécessaire.

Achat durable

Lorsque l’achat s’avère nécessaire, quelques bonnes pratiques permettent de s’assurer d’un achat ayant moins d’impacts environnementaux et sociaux, notamment en vérifiant l’adéquation des équipements achetés par rapport aux besoins, en privilégiant les achats de seconde main et les équipements reconditionnés…

Il s’agit aussi de s’assurer de la traçabilité des équipements ainsi que de vérifier que les produits et vendeurs assument bien leurs responsabilités au titre de la REP (Responsabilisation élargie du producteur) : adhésion à un éco-organisme collecteur de DEEE, système individuel agréé pour un producteur, solutions de reprise des matériels usagés…

Phase d’usage, administration et paramétrages

On rappellera ici que l’impact lors de la phase d’usage est pour l’immense majorité des équipements très inférieure à l’impact de la fabrication. Les bonnes pratiques dans ce cadre doivent donc bien venir après celles liées à l’achat.

Même si la phase d’usage est considérée comme moins impactante, quelques bonnes pratiques peuvent être mises en œuvre, par exemple sur la consommation de fluides et consommables comme l’énergie et le papier, ou encore l’optimisation du dimensionnement des unités de stockage.

Services numériques

La loi de Wirth est une loi empirique formulée par Niklaus Wirth en 1995, selon laquelle « les programmes ralentissent plus vite que le matériel n’accélère ». En effet, l’une des causes de l’obsolescence des équipements est due aux logiciels, qui en consommant de plus en plus de ressources informatiques, accélèrent l’obsolescence des équipements.

De plus, sur certains équipements ou sur certains systèmes d’exploitation, des logiciels préinstallés ne peuvent pas être supprimés (bloatware), occupant à la fois les ressources disques et parfois les ressources CPU lorsqu’ils fonctionnent en tâche de fond.

Quelques questions à se poser

À l’achat de logiciels ou d’équipements contenant un logiciel :

  • Quelles sont les versions des systèmes d’exploitation, navigateurs et types d’équipements supportés par le logiciel acheté ? Peut-on estimer la durée pendant laquelle ils le seront ?
  • Peut-on contractualiser sur des durées longues de maintenance du logiciel acheté ?
  • Les acheteurs sont-ils formés sur les sujets de l’écoconception de service numérique, de l’obsolescence des logiciels eux-mêmes mais aussi l’obsolescence induite par le logiciel sur les équipements ?

À la conception d’un service numérique :

  • A-t-on besoin de numériser le service ?
  • A-t-on identifié les attentes réelles des utilisateurs-cibles ?
  • Une stratégie de compatibilité avec les terminaux et versions logicielles obsolètes est-elle définie ? Dans la définition des personae, les versions cibles d’équipements, systèmes d’exploitation (OS) et navigateurs ont-elles été prises en compte ?
  • S’assurer d’une compatibilité descendante et ascendante sur les équipements
  • Conception d’abord web ou technologies standard au lieu d’applications propriétaires (web app vs applications natives par exemple)
  • Limiter les dépendances externes (librairies / packages tiers)
  • Privilégier les versions LTS (Long-term support) des outils ou briques logicielles notamment open source
  • Privilégier des solutions open source mais vérifier les durées d’engagement de maintenance ou s’engager dans la maintenance de l’outil.
  • Amélioration progressive selon les possibilités du terminal (Progressive Web App)
  • Séparer les mises à jour évolutives des mises à jours correctives (vrai surtout pour les applications propriétaires et les systèmes d’exploitation)
  • Découpler le code métier des frameworks pour faciliter les mises à jour et les évolutions
  • Conception sobre : limiter les fonctionnalités, limiter la consommation de ressources informatiques (nombre de requêtes, poids, process, RAM…) et utiliser des composants natifs du système.

Salle serveur et centre de données

Les centres de données se développent pour répondre à des besoins et des usages qui ne font qu’augmenter. Une première bonne pratique de sobriété est de réduire ces besoins et usages, en questionnant leur pertinence. Pour les besoins et usages restants, on cherchera à réduire l’impact de l’utilisation des centres de données.

Les impacts environnementaux des centres de données sont multiples, et dus en particulier à la consommation d’électricité pour l’alimentation et le refroidissement des équipements informatiques, à la fabrication de ces mêmes équipements, à l’artificialisation des sols pour l’installation du centre de données et à la consommation d’eau.

Parmi les bonnes pratiques, on pourra notamment adopter la démarche du Code de conduite européen pour les centres de données et exiger cette adoption chez les partenaires afin de réduire en valeur absolue l’empreinte environnementale des datacentres.

Dans la suite de cette section, nous donnons quelques exemples de bonnes pratiques qui découlent pour la plupart du Code de conduite européen.

Fin d'usage

Pourquoi la fin d’usage des équipements est-elle un enjeu ?

La fin d’usage se caractérise par la fin d’utilisation d’un équipement dans son usage initial par son utilisateur ou son détenteur. Prolonger la durée de vie des équipements permet de ne pas en fabriquer de nouveaux, ou au moins de réduire ce besoin. Cela réduit la part d’impact environnemental liée à la fabrication du matériel en la diluant sur une durée de vie plus longue. Le prolongement de l’usage peut passer par plusieurs processus :

  • Le soin des équipements qui ne sont plus utilisés dans l’organisation, afin que les processus suivants puissent avoir lieu : un équipement doit être conservé dans des conditions correctes pour pouvoir être réutilisé en tout ou partie ensuite.
  • La réparation, remise en état ou reconditionnement de l’équipement, qui consiste à restaurer sa fonctionnalité initiale, afin de continuer à l’utiliser dans la même organisation (en interne), ou dans une autre organisation (en externe) via un don ou une vente.
  • Si l’équipement est directement réutilisé sans passer par un éco-organisme, on parlera de réemploi : cela concerne les réaffectations internes, les dons aux collaborateurs, les dons à des associations ou des tiers et la vente des équipements.
  • Dans le cas contraire, on parlera de réutilisation

Lorsque l’équipement arrive en fin de vie, idéalement quand les opérations de réemploi ne sont plus possibles (équipements hors-service et non réparables, trop obsolètes, sans marché de destination…), il devient un déchet. Le producteur du déchet est tenu pour responsable de son élimination jusqu’à sa valorisation finale.

Dès lors, l’enjeu consiste à recycler au mieux les déchets avec les plus hauts niveaux d’exigences imposés par la directive européenne DEEE. Une première étape consiste à dépolluer les équipements pour sécuriser les polluants. Une deuxième étape vise à valoriser les matières en les recyclant et/ou sous forme d’énergie. Enfin, ce qui ne peut pas être valorisé, sera enfoui dans les centres d’enfouissement techniques dédiés et contrôlés.

Pour ces opérations, le détenteur peut confier ses déchets à un éco-organisme ou au producteur de l’équipement organisé en système individuel. Et dans ce cas, sa responsabilité sera éteinte dès la collecte par ces-derniers (Article L541-10 du code de l’environnement).

Le détenteur peut aussi confier ses déchets à un gestionnaire de déchets ou un opérateur de traitement en vérifiant qu’il est autorisé à les prendre en charge, notamment qu’il est bien en contrat avec un éco-organisme ou que l’entreprise à qui il les confie pour traitement est elle-même en contrat. Mais le détenteur demeure responsable du déchet jusqu’à son élimination ou sa valorisation finale. Un traçage est donc indispensable.

Réemploi et recyclage ne s’opposent pas, ils ne concernent tout simplement pas la même étape du cycle de vie du produit. A la fin d’un usage, il est toujours utile d’allonger la durée de vie d’un équipement par une opération de réemploi quand elle est possible. Cela a pour effet de retarder la fin de vie. Une fois en fin de vie, le recyclage s’impose. Dans ce sens, il est donc important de choisir un éco-organisme agréé en fonction du taux de réemploi des matériels collectés et non de leur seule préparation pour le recyclage.