Épisode #5 : IA frugale et mesure environnementale de l'IA

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Juliette Fropier, cheffe de projet IA et transition écologique

Juliette Fropier, cheffe de projet intelligence artificielle et transition écologique des ministères Territoires Écologie Logement - Ecolab - Greentech Innovation, nous expose les enjeux liés à l’intelligence artificielle et son impact environnemental.

Juliette Fropier

Juliette Fropier
cheffe de projet IA et transition écologique
l'Ecolab - CGDD

On ne dit pas aujourd'hui qu'il faut arrêter de développer des modèles d'IA,

mais on dit qu'il faut vraiment penser l'usage qu'on en fait

et donc le mettre au maximum au service des grands défis qu'on a face à nous,

dont la transition écologique.

Ecolab est le laboratoire d'innovation du ministère de la Transition écologique,

qui est sur deux aspects, je dirais.

Un premier aspect qui est ce qu'on appelle l'initiative Green Tech Innovation.

C'est une initiative qui vient soutenir des startups et des PME qui sont éco-innovantes,

c'est-à-dire qui apportent de l'innovation sur des thèmes de politique publique,

la transition écologique, et donc qu'on vient labelliser.

Chaque année, on labellise une trentaine de startups et de PME.

On a toute une phase d'audition de ces startups et de PME

pour derrière donner confiance aux acheteurs publics,

à la fois des collectivités et de l'État, d'avoir recours à ces solutions-là.

On a une autre partie de l'Ecolab, qui est le pôle Data IA,

dans lequel on retrouve un certain nombre de data scientists

qui vont donc porter des projets de données, d'intelligence artificielle,

qui répondent à un besoin des directions métiers du ministère.

L'empreinte environnementale de l'IA, pour commencer,

c'est effectivement pas si simple à mesurer au départ,

et avant tout pour une question de données,

puisque les fournisseurs de modèles d'IA, par exemple,

ne donnent pas toutes les informations sur la taille,

la complexité de leurs modèles, la durée d'emprunt aussi de ces modèles.

Et derrière, les fournisseurs de cloud, de data center,

eux aussi ne mettent pas en avant, on va dire,

toutes les informations sur l'impact environnemental de leurs infrastructures.

On peut quand même aujourd'hui déjà estimer la consommation énergétique,

l'impact carbone de l'utilisation d'équipements,

grâce à quelques informations qui sont publiées

sur la consommation énergétique des processeurs.

Donc ce qui est important de connaître, c'est la durée d'entraînement d'un modèle,

les ressources informatiques qui vont être utilisées derrière.

On peut remonter dans les informations techniques de ces processeurs,

donc quelle est leur consommation énergétique sur un temps donné,

et derrière, du coup, de savoir où se situent les data centers.

Dans ce cas-là, on remonte avec l'intensité énergétique,

enfin avec le mix énergétique du pays,

les impacts carbone qui sont associés.

Ça, c'est du coup ce qu'on est capable de faire assez facilement aujourd'hui.

On a envie d'aller plus loin, on a envie de prendre en compte aussi

la fabrication de ces équipements.

Aujourd'hui, on a assez peu de données d'analyse en cycle de vie sur ces équipements,

et on a aussi envie de prendre en compte plus de facteurs d'impact,

et notamment la consommation en eau.

Par exemple, dans les data centers, on utilise beaucoup d'eau pour refroidir.

On a aussi envie de prendre en compte tout ce qui est l'impact sur les ressources,

et notamment sur les métaux rares.

Donc ça, c'est des choses sur lesquelles on avance avec beaucoup de chercheurs impliqués.

Ce qu'il faut savoir, c'est que l'IA, de toute façon, elle n'est pas neutre.

Ça n'existe pas une IA qui n'a pas une consommation énergétique,

qui n'a pas un impact engineeremental.

Donc quand on parle d'IA frugale, on ne parle pas d'IA net zéro ou d'IA neutre en carbone.

On parle d'une IA dans laquelle on va vraiment questionner les besoins et les usages

pour aller vers les usages les plus vertueux possibles

et réduire les consommations de ressources qui sont associées au maximum.

Donc ce qu'on appelle l'IA frugale, c'est toute cette phase de questionnement

qui doit avoir lieu dès le début des projets, dès l'amont.

Est-ce qu'on a vraiment besoin d'une solution d'IA pour répondre aux besoins qui ont été identifiés ?

Est-ce qu'une autre solution moins consommatrice de ressources peut suffire pour répondre à ce besoin-là ?

Une fois que les choses sont bien posées, bien cadrées,

quelle est la quantité de données qu'on a besoin ?

Aujourd'hui, on a tendance à entraîner des IA avec toutes les données qui sont accessibles,

mais en fait, on peut rationaliser cette quantité de données.

On peut aussi rationaliser la taille et la complexité des modèles

et derrière, l'usage qui est fait de ces modèles.

Vraiment, on a besoin en instant T d'avoir une information.

C'est là qu'on va l'utiliser.

On n'a pas besoin, peut-être, à tout moment, d'avoir cette information-là.

Donc, c'est vraiment, je dirais, dans toute la conduite du projet,

un questionnement sur les besoins et les ressources qui sont associées à ce besoin-là.

Alors, la consommation énergétique de l'IA, on estime, il y a des études qui estiment

que d'ici à 2027, ça va augmenter très fortement

et qu'on sera sur des consommations énergétiques équivalentes à celles d'un pays comme la Suède,

par exemple, ou comme l'Argentine.

Donc, effectivement, ça pose beaucoup de questions.

Il y avait un rapport publié par l'ADEME et l'ARCEP en 2023

sur l'évolution de l'impact environnemental du numérique à 2030 et à 2050

qui prévoyait que l'impact carbone en 2030 du numérique ferait plus 45%

et en 2050, triplerait.

En fait, si on ne fait rien.

Aujourd'hui, avec la massification des usages de l'IA,

on se dit que ça pourrait peut-être aller encore plus loin,

cette augmentation de l'impact environnemental du numérique

drivée finalement par cette utilisation massive des modèles d'IA.

Donc, c'est assez prospectif.

On a des choses qui nous poussent à croire qu'effectivement,

ça pourrait augmenter très fortement.

Donc, dès aujourd'hui, on doit mettre en place toutes les bonnes pratiques possibles

pour réduire cet impact, pour le mesurer et donc pour le maîtriser.

Je pense que l'intelligence artificielle a des potentiels qui sont intéressants

et notamment dans le cadre des politiques publiques de la transition écologique.

Donc, quand on alerte sur les risques environnementaux qui sont liés à l'IA,

on ne dit pas aujourd'hui qu'il faut arrêter de développer des modèles d'IA,

mais on dit qu'il faut vraiment penser l'usage qu'on en fait

et donc le mettre au maximum au service des grands défis qu'on a face à nous,

dont la transition écologique.

Je pense aussi qu'il y a des domaines dans la santé

pour lesquels l'IA est porteur de beaucoup d'opportunités.

Et donc, on peut continuer à innover dans ces domaines-là

en repensant l'usage, en adoptant des démarches d'IA frugales.

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