Intervention de Jérémie Vallet et Virginie Rozière à Ethics by Design 2024
Le futur des services publics numériques face aux enjeux environnementaux
- Jérémie Vallet, Directeur Adjoint, DINUM
- Virginie Rozière, Directrice du Numérique, Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères
Repenser le numérique pour des services publics plus responsables 🌍
Intervention au forum Ethics by Design organisé par Designers Éthiques sur :
- L’équilibre à trouver entre innovation technologique et réduction des ressources, tout en évitant l’effet rebond.
- Les défis d’une sobriété globale, qui dépasse la seule dimension énergétique.
- L’impératif de performance et de fiabilité des systèmes numériques pour les ministères.
- Les enjeux liés à l’innovation et notamment l’IA.
Cette réflexion s’inscrit dans un contexte où les services publics doivent conjuguer responsabilité environnementale et exigences de performance.
Intervention
Jérémie Vallet
Directeur Adjoint
Direction Interministérielle du Numérique - DINUM
Bonjour à toutes et tous,
je suis ravi d'être présent à Nantes avec vous aujourd'hui
On va essayer de vous présenter l'intervention à deux voix, peut-être dans un premier temps, quelques concepts plus généraux et puis je laisserai le soin à Virginie d'être un peu plus pragmatique.
Tout d'abord, la DINUM et le MEAE sont présents aujourd'hui parce qu'on pense que pour pouvoir penser et développer le service public numérique de demain, on a besoin d'un maximum d'implication et d'être tous et toutes présents.
Et donc, nous avons besoin des chercheuses et des chercheurs pour analyser l'impact du numérique et ce qu'il doit devenir.
Nous avons également besoin des designeuses et des designers parce que vous êtes finalement les premiers au contact des utilisateurs et c'est comme ça qu'on va réussir à faire de bons services numériques. C'est en étant au contact des utilisateurs.
L'éco-conception, c'est un levier essentiel pour réduire l'obsolescence des matériels qui sera un de nos gros enjeux au sein du numérique public.
Améliorer l'accessibilité également, le numérique qui doit s'adresservà tout le monde et ce n'est pas simplement l'accessibilité auvtravers des référentiels, c'est aussi la simplicité d'usage et la frugalité dans les ressources qu'ils consomment.
Et puis, on doit être capable de mettre en cohérence finalement la forme et le fond de nos outils et la nécessité, comme je le disais, d'avoir un impact environnemental maîtrisé.
Au-delà du référentiel général d'éco-conception de services numériques (RGESN) qui était finalement un premier pas qui a été développé principalement par les équipes de Virginie à l'époque mais pas que, aussi avec nos collègues du ministère de l'écologie qui sont beaucoup impliqués dans cette référentiel là, c'est un premier pas vers un guide, des éléments pour qu'on puisse se poser des questions sur la manière dont on produit nos services.
Cela ne nous permet pas d'avoir un référentiel complètement opposable mais il nous permet, je pense, de se poser les bonnes questions quand on veut concevoir un service.
On a également dans nos initiatives collectives le design système de l'État (DSFR) porté par nos collègues du service d'information du gouvernement qui permet d'avoir une base de conception relativement économe et aussi une forme d'unité et comme ça, cette unité-là permet de mieux se repérer dans notre écosystème.
On en a parlé ce matin, la France se dote finalement du troisième plan d'adaptation afin que nous puissions essayer de nous adapter aux évolutions du climat et l'ADEME nous a présenté en tout cas les quatre scénarios.
Ces scénarios d'adaptation finalement, ils doivent être concomitants avec une baisse de nos émissions et notre consommation de ressources. Et à ce titre, on vous invite à participer à la consultation publique sur les services numériques afin de les adapter au mieux aux conditions de cette compatibilité avec les scénarios.
Un peu l'initiative des inspirations basées sur la saisonnalité numérique proposée par le projet Limites numériques que vous connaissez sans doute.
Mais finalement, ce plan, c'est vraiment l'idée d'adapter et de réduire nos émissions et on doit être particulièrement vigilant parce que le numérique, c'est finalement parfois une opportunité. Ça nous permet de mieux piloter nos consommations d'énergie ou de faire des économies.
Mais comme on l'a aussi dit dans les conférences précédentes, il y a des effets rebonds non négligeables et ça peut être une manière, si on n'y prend pas garde, de les accroître. Donc, on a besoin de trouver cet équilibre finalement entre usage du numérique pour piloter, réduire la ressource sans pour autant tomber dans une inflation de consommation liée au système même.
Et c'est vraiment ça qu'on doit réussir à concevoir quand on déploie et qu'on met en oeuvre des politiques publiques.
A la DINUM, je dirais que notre mission est d'accompagner l'ensemble des ministères, finalement de donner les lignes directrices pour faire du numérique public le plus responsable et durable possible.
On le fait en les accompagnant dans la rédaction de leur feuille de route numérique responsable pour agir d'abord là où il y a le plus d'impact et ensuite d'aller chercher à le réduire de plus en plus et de manière itérative.
On a aussi rédigé une doctrine sur les data centers afin d'essayer et d'encourager la récupération de chaleur, d'améliorer leur performance énergétique et de réduire leur consommation en eau. Et tout ça, tout en préservant quelque chose d'important pour nous, c'est la souveraineté de nos données et donc d'avoir quand même 1une localisation de nos données sur le territoire européen et français.
Un de nos gros axes de travail, c'est également l'allongement de la durée de vie des matériels, que ce soit les terminaux, vous connaissez, ou le parc applicatif, le parc serveur. Et ça, on travaille avec nos collègues de la direction générale des entreprises et le commissariat général au développement durable.
4On espère avoir un premier marché de matériel recyclé dans le courant de l'année prochaine. J'espère que ce soit cette année, mais on a pris du retard. Ce n'est pas si simple, mais finalement, l'objectif, c'est à la fois d'avoir un marché qui nous permette d'acheter, mais également de structurer les filières.
Ça doit être l'achat public, une manière qu'on a de structurer des filières locales pour le recyclage et le réemploi. Et à côté de nos collègues de la direction des achats de l'Etat, nous essayons aussi de promouvoir des clauses environnementales dans l'ensemble de nos marchés publics liés aux numériques, comme on l'a fait d'ailleurs sur les clauses sociales il y a quelques années, afin d'obtenir un cadre et un référentiel qui permet aussi de donner de bonnes pratiques vers nos partenaires du privé.
Au sein du service public, mais vous le connaissez, nous avons une circulaire, le service public éco-responsable qui nous fixe des objectifs ambitieux, qui est de réduire de 22% l'empreinte environnementale du numérique de l'Etat à l'horizon de 2027, donc dans deux ans.
Ça passera évidemment par les matériels, mais pas que. Comme je le disais, l'optimisation des data centers est aussi un axe fort et l'éco-conception en est tout autant sur nos services numériques.
Et quand on parle d'éco-conception et de nouveaux services, on pense évidemment à l'essor de l'intelligence artificielle qui sera, et vous le savez, très consommatrice de ressources.
Et c'est pour ça qu'on a une première initiative qui est balbutiante mais qui est intéressante sur l'outil ComparIA, que vous avez peut-être testé du ministère de la Culture, qui permet de comparer le résultat d'IA générative. Et vous lui posez une question et on compare de manière aléatoire deux IAs.
Et ces IAs là, vous choisissez quelle est la meilleure en aveugle et on vous indique à chaque fois la consommation estimée de l'outil et on s'aperçoit souvent que finalement, pour une consommation bien moindre, on a un résultat tout à fait acceptable. Donc je pense qu'il faudra aussi qu'on s'habitue à avoir le juste nécessaire en matière de qualité et pas forcément le meilleur algorithme et la meilleure IA.
Et donc ça, c'est un peu notre axe pour soutenir l'innovation et on va essayer de petit à petit se construire différentes doctrines pour accompagner ce mouvement et le développement des services numériques publics qui seront, un peu à l'instar de la présentation précédente, beaucoup basés sur des logiciels libres et la création de communs afin de mutualiser les efforts.
Et comme je le disais à l'adynum et pour conclure, je dirais qu'on anime un peu le réseau des ministères avec l'ensemble des différentes sphères ministérielles pour participer avec nous à cette évolution et à cet accompagnement vers un service plus écoresponsable. Et je vais maintenant laisser la parole à Virginie qui va peut-être concrétiser un peu ces principes généraux.
Virginie Rozière
Directrice du Numérique
du ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères
Merci beaucoup Jérémy.
Effectivement, je vais essayer de vous présenter un peu la manière dont on appréhende la question de la sobriété en ressources, la sobriété environnementale, pas qu'énergétique. De nos systèmes numériques dans un contexte quand même dans lequel on est confronté à un certain nombre de réalités opérationnelles et d'exigences à prendre en compte.
Dans ce panorama, la question environnementale est certes présente, certes portée par nos sponsors, mais elle intervient, on pourrait se dire, peut-être de manière secondaire ou périphérique et parfois on pourrait se dire aussi contradictoire avec ce faisceau d'exigences.Mais vous verrez, et c'est un peu le sens de ma présentation, que ce n'est pas forcément le cas et voire même que ça peut être un levier assez puissant.
Alors la première des choses, c'est effectivement aller dans le sens de ce qu'a présenté Jérémy, pour pouvoir faire exister la question de la sobriété environnementale, de la réduction de l'impact environnemental, on a besoin de s'inscrire dans un cadre plus large et d'avoir des leviers qui nous sont donnés par l'impulsion interministérielle, que ce soit dans les objectifs fixés pour faire exister le sujet, pour qu'il existe aussi vis-à-vis de nos sponsors et de nos clients métiers, et puis aussi pour nous doter d'outils, que ce soit dans le cadre de la mesure, de référentiel, de support contractuel. Donc c'est vraiment tout un ensemble de choses, que ce soit le cadre stratégique ou les outils pratiques qui sont nécessaires pour qu'on puisse mener à bien nos missions.
Alors en tant que directrice du numérique du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, je vais vous présenter un petit peu le contexte de nos missions et les injonctions et attentes multiples auxquelles on doit faire face, et vis-à-vis desquelles on doit aussi justement positionner cette question, cette question de la sobriété environnementale. Le 1er, c'est qu'on attend de nous d'avoir une réelle performance et une fiabilité de nos systèmes numériques.
Pour vous donner quelques exemples, donc la direction du numérique du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, on opère un réseau mondial qui couvre 400 sites à l'étranger, pour le compte de l'Etat, d'ailleurs, pas que pour le compte du ministère, sur lesquels transitent toutes les communications entre les services de l'Etat à l'étranger et les administrations centrales, communications qui sont pour certaines, on va dire, d'un niveau de sensibilité normal, mais aussi des communications très sensibles, donc avec une forte exigence de sécurité, de robustesse, de résilience et de performance. On assure aussi un certain nombre de services pour les Français de l'étranger, les services de la vie quotidienne, pour lesquels on joue le rôle des services de l'Etat, puisqu'on est l'administration interlocutrice des Français de l'étranger. Ca, c'est pour le temps calme, et on a aussi des exigences de services et de soutien aux Français de l'étranger pour les temps de crise, ce qui, là aussi, nous amène à des exigences de performance et de résilience et de disponibilité très fortes. On a aussi un enjeu de sécurité. On est une cible potentielle pour des services de renseignement étranger, soucieux de connaître la nature des positions diplomatiques et de l'information collectée par le ministère de l'Europe à des affaires étrangères. A VENIR