Henri Verdier
Ambassadeur aux affaires numériques
Introduction
Le numérique peut être un véritable outil d’harmonisation de l’action collective.
Je suis Henri Verdier, l’Ambassadeur français pour les affaires numériques.
Le numérique peut être un véritable outil d’harmonisation de l’action collective.
Il y a quelques grands défis de notre époque, mais il y en a deux qui sont très clairs. L’un, c’est la transition écologique : on est quand même en train de foncer dans le mur en klaxonnant. L’autre, c’est l’intelligence artificielle, qui va bouleverser nos civilisations à un degré inimaginable. À côté, le numérique tel qu’on l’a connu, c’est de la petite bière.
Donc on se demande : est-ce que le numérique a un impact sur l’environnement ? Oui, et il est affreux. On a des décharges pleines de composants rares, on consomme une électricité de dingue, on crée des satellites poubelles qui sont en train de saturer la basse atmosphère, etc.
D’autres se demandent si le numérique pourrait aider à traiter ces masses de données, à faire des modèles, à comprendre et à agir de manière pertinente. La réponse est oui aussi.
Et puis on constate ça… et on ne fait rien.
L’impression que j’ai, c’est qu’on a raté peut-être une nouvelle approche, qui serait de se dire : qu’est-ce que chacun de ces deux écosystèmes peut faire pour l’autre, et qu’est-ce qu’ils ont en commun ?
Moi, je me dis souvent que les choses ont commencé à mal tourner quand on est devenus vraiment plus forts que la nature, et quand finalement notre brutalité de primate a eu des impacts planétaires. Avant, ce n’était pas grave : on jetait des trucs, et puis la nature en faisait son affaire.
Le numérique, lui, est quand même capable de faire des boucles de rétrocontrôle, de feedback, d’harmoniser de grandes quantités d’acteurs autour d’un standard commun. Et le numérique peut être un véritable outil d’harmonisation de l’action collective. On le voit parfois.
J’ai rencontré un jour une ministre du numérique d’un pays africain qui me disait : « Je veux faire un cadastre. Parce que quand j’ai un cadastre, les paysans n’ont plus seulement de la terre, mais ils ont un titre légal. Ils peuvent aller à la banque, hypothéquer, emprunter, investir… et ça fait naître une classe moyenne. »
Vous voyez : l’idée d’un simple petit outil numérique, qui permet de se synchroniser, ça fait naître une classe moyenne.
Donc le numérique sait faire des choses comme ça : recréer des possibilités de synchronisation et d’harmonisation. L’environnement, lui, analyse ces grands équilibres et a besoin d’apprendre à les restaurer.
Je me dis souvent que ce qui nous manque, c’est une enceinte où des environnementalistes et des numériciens partageraient un projet collectif, et essaieraient d’inventer ensemble des chemins nouveaux et inexplorés. Pas seulement mieux recycler les ordures ou protéger les espèces menacées, mais inventer quelque chose qui relève de la philosophie politique. Parce qu’il nous manque quelque chose de cet ordre-là.
Si on n’arrive pas à faire la grande bascule de cette transition écologique, c’est aussi parce que chacun a un peu l’impression que son action individuelle, personnelle, ne sert à rien.
Si je suis le seul à trier mes déchets, ça ne sert à rien.
On a du mal à créer ces vibrations qui mettent des choses en résonance et qui font qu’on sent qu’on contribue à quelque chose qui a de l’impact.