Bonnes pratiques numérique responsable pour les organisations

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Exemples de bonnes pratiques à adapter selon le contexte de l'organisation.

Stratégie et gouvernance

La situation environnementale, la « santé » économique, les aspects sociaux et sanitaires, les capacités d’approvisionnement, etc. vont évoluer au cours des prochaines années beaucoup plus rapidement que durant les décennies passées à cause notamment du changement climatique et de la tension sur les ressources de la planète.

En raison de ces différents facteurs qui sont autant d’éléments d’incertitude, il est nécessaire que les organisations commencent par prendre conscience de leur responsabilité sociale et environnementale.

Leur nécessaire transformation, qui découle de cette première réflexion, doit se traduire par la mise en œuvre d’une démarche progressive incluant :

  • L’analyse globale des problématiques rencontrées par l’organisation.
  • La définition d’indicateurs pour évaluer la situation à un instant t et suivre son évolution au cours du temps.
  • La définition et la mise en œuvre d’un plan d’action comportant un ensemble de bonnes pratiques visant à réduire les impacts environnementaux de l’organisation (notamment du fait de ses activités numériques).
  • La mise en place d’une gouvernance dédiée afin de piloter les actions mises en œuvre et d’assurer une communication tant interne qu’externe sur les démarches entreprises et les résultats obtenus.

Par ailleurs, pour que les bonnes pratiques appliquées ou à appliquer soient adaptées au contexte de l’organisation (opportunités d’action, contraintes) et soient donc utiles et opérationnelles, il est indispensable qu’elles puissent évoluer en fonction des situations rencontrées.

La structuration et le cadre sont donc au moins aussi importants que le contenu de la démarche. La structuration interne à l’organisation devrait à minima intégrer :

  • L’engagement des membres de la structure, au-delà des seuls acteurs du Système d’Information (SI) ou directions du numérique, notamment via des réflexions collectives, des engagements formels, des processus participatifs par exemple.
  • La mise en place d’un groupe de pilotage, indépendant de la direction des systèmes d’information, pour mener des actions sur l’ensemble des activités numériques de la structure, qui aille au-delà des seuls acteurs du Système d’Information. Ce groupe de pilotage doit avoir une vision globale et transverse des activités de l’organisation de façon à éviter les transferts de pollution et les effets rebond. Il pourrait être en charge de l’application de ce Guide de bonnes pratiques, incluant l’écoute et la mise en lien des différents acteurs dans les différents métiers, la mise en place de dispositifs participatifs, un rendu régulier et une révision des bonnes pratiques à mettre en place en fonction de l’évolution de la situation.

Cette structuration peut prendre différentes formes et s’opérationnaliser de différentes façons.

Ci-après, quelques exemples non exhaustifs de bonnes pratiques.

Sensibilisation et formation

Le préalable à tout changement volontaire et engagé est la connaissance. C’est pourquoi, il est indispensable de sensibiliser, de former, d’acculturer l’ensemble des collaborateurs aux enjeux de la transition écologique (changement climatique, limites planétaires et perte de biodiversité principalement) et de documenter ces sujets.

S’engager vers un changement profond de fonctionnement nécessite d’y intégrer les dimensions sociales, sociétales et les outils et techniques d’animation pour impliquer réellement tous les acteurs.

Développer une vision et une pensée systémiques sont à la base du développement de la pensée critique permettant d’identifier les croyances, les « allant de soi », les tabous, etc. C’est une nécessité pour aller plus loin, ailleurs, imaginer des solutions radicalement différentes, sortir de la pensée en « silo », ouvrir des possibles et éviter les effets rebond ou autres effets indirects négatifs.

Enfin, sur un plan plus opérationnel, il y a une multitude de bonnes pratiques à mettre en œuvre, de compétences de développement ou de réparation à acquérir pour que la durabilité et la sobriété ne soient pas des mots creux.

Les actions de sensibilisation devraient idéalement concerner tous les acteurs de l’organisation et les actions de formation les plus volontaires, les directions, les participants aux processus participatifs.

Idéalement toute organisation devrait être en mesure d’assurer au moins de la sensibilisation en interne.

Afin qu’elle ne soit pas subie, la transformation culturelle vers une plus grande responsabilité des collaborateurs et donc une en capacitation sur ces sujets doit s’accompagner d’une transparence exemplaire, favorable à un climat de confiance et de conscience collective. La pratique de la documentation favorise cette transparence et donc la confiance dans un processus transverse vertueux. Elle permet aux collaborateurs de comprendre ce qui se passe au fil de l’eau, de manière dynamique et ouverte et de les inviter à y contribuer également.

Mesure et évaluation

La mesure et les estimations sont nécessaires pour objectiver les progrès à faire ou réalisés. Pour autant, il faudra veiller à ce que la mesure, l’évaluation ne deviennent pas une fin en soi, avec le risque de rechercher un niveau de précision qui n’a pas de sens et n’est pas nécessaire pour agir !

L’évaluation des impacts du numérique devrait idéalement inclure plusieurs indicateurs environnementaux (dont les émissions de gaz à effet de serre, la pollution, la quantité de déchets, la quantité d’eau douce, la quantité de ressources minérales) et sociaux (notamment l’accessibilité, la qualité de vie au travail, etc.) :

  1. les impacts directs du numérique au sein de la structure,
  2. Les impacts indirects
    • les impacts liés à la sous-traitance de tout ou partie des services fournis (services numériques, traitement des achats, des déchets, etc.),
    • les impacts induits par l’achat ou l’utilisation de services ou d’équipements (non numériques) du fait de l’existence de certains services numériques et/ou d’optimisations rendus possible par l’utilisation du numérique,
    • les impacts générés chez les « clients » de la structure du fait des services numériques ou produits proposés.

Réduction des achats

Parce que l’empreinte environnementale des équipements électroniques est très importante, voire majoritaire sur la phase de fabrication, l’action la plus efficace est la réduction de la production d’équipements électroniques neufs (téléphones, écrans, capteurs, serveurs, consoles de jeux, etc.). Du côté du consommateur, cela peut se traduire par une diminution du nombre d’achats (neufs ou d’occasion) et la prolongation de la vie effective des équipements utilisés.

L’alibi d’un équipement neuf qui consomme moins d’énergie pendant sa phase d’usage ne vaut que pour les serveurs après plusieurs années (qui consomment beaucoup d’énergie et sont alimentés 24h/24). Les simulations réalisées pour des terminaux de type portable montrent qu’il faut plusieurs dizaines d’années d’utilisation pour que le bénéfice d’une réduction de la consommation moyenne soit visible.

Les bonnes pratiques permettant d’œuvrer à l’allongement de la durée d’utilisation des équipements se situent à différents niveaux.

Au niveau du matériel, l’arbitrage entre achat et location en vue d’une optimisation de la gestion des différentes phases de la vie des équipements est un choix stratégique. Celui-ci implique néanmoins des bonnes pratiques similaires, par exemple prévoir des clauses garantissant la réparation durant une période suffisamment longue ou augmenter si besoin les capacités des matériels par l’ajout ou le remplacement de composants.

Pour limiter l’obsolescence des équipements, il est aussi possible d’agir au niveau des services numériques en limitant l’installation aux logiciels réellement nécessaires à l’utilisateur et en évitant les mises à jour requérant plus de ressources que nécessaire.

Achat durable

Lorsque l’achat s’avère nécessaire, quelques bonnes pratiques permettent de s’assurer d’un achat ayant moins d’impacts environnementaux et sociaux, notamment en vérifiant l’adéquation des équipements achetés par rapport aux besoins, en privilégiant les achats de seconde main et les équipements reconditionnés…

Il s’agit aussi de s’assurer de la traçabilité des équipements ainsi que de vérifier que les produits et vendeurs assument bien leurs responsabilités au titre de la REP (Responsabilisation élargie du producteur) : adhésion à un éco-organisme collecteur de DEEE, système individuel agréé pour un producteur, solutions de reprise des matériels usagés…

Phase d’usage, administration et paramétrages

L’impact environnemental lié à la fabrication des équipements électroniques est, d’une manière générale, bien supérieur à celui lié à leur utilisation.

De ce fait, et afin de concentrer les efforts des organisations et des personnes sur les actions ayant des effets positifs les plus significatifs, les bonnes pratiques décrites dans le présent chapitre doivent donc être envisagées dans un second temps, après celles liées à l’achat des équipements.

Toutefois, même si la phase d’usage est considérée comme moins impactante, quelques bonnes pratiques peuvent être mises en œuvre, par exemple sur la consommation de fluides et consommables comme l’énergie et le papier, ou encore l’optimisation du dimensionnement des unités de stockage.

L’objectif d’une telle démarche est à la fois de ne laisser aucun angle mort dans le cycle de vie des équipements (fabrication, utilisation, fin de vie), et de mobiliser l’ensemble des personnes en relation avec ces équipements (les utilisateurs ont un rôle à jouer au même titre que la personne responsable des achats).

Quelques exemples de bonnes pratiques ci-après.

Services numériques

La loi de Wirth est une loi empirique formulée par Niklaus Wirth en 1995, selon laquelle « les programmes ralentissent plus vite que le matériel n’accélère » ou dit autrement, la performance croissante des matériels est contrecarrée par le fait que les logiciels deviennent de plus en plus « gros et lents ». En effet, l’une des causes de l’obsolescence des équipements est due aux logiciels, qui en consommant de plus en plus de ressources informatiques (processeur, mémoire, stockage, etc.), accélèrent l’obsolescence des équipements.

De plus, sur certains équipements ou sur certains systèmes d’exploitation, des logiciels préinstallés ne peuvent pas être supprimés (bloatware), occupant à la fois les ressources disques et parfois les ressources CPU lorsqu’ils fonctionnent en tâche de fond.

Quelques questions à se poser

À l’achat de logiciels ou d’équipements contenant un logiciel :

  • Quelles sont les versions des systèmes d’exploitation, navigateurs et types d’équipements supportés par le logiciel acheté ? Peut-on estimer la durée pendant laquelle ils le seront ?
  • Peut-on contractualiser sur des durées longues de maintenance du logiciel acheté ?
  • Les acheteurs sont-ils formés sur les sujets de l’écoconception de service numérique, de l’obsolescence des logiciels eux-mêmes mais aussi l’obsolescence induite par le logiciel sur les équipements ?

À la conception d’un service numérique :

  • A-t-on besoin de numériser le service ?
  • A-t-on identifié les attentes réelles des utilisateurs-cibles ?
  • Une stratégie de compatibilité avec les terminaux et versions logicielles obsolètes est-elle définie ? Dans la définition des personae, les versions cibles d’équipements, systèmes d’exploitation (OS) et navigateurs ont-elles été prises en compte ?
  • S’assurer d’une compatibilité descendante et ascendante sur les équipements
  • Privilégier l’utilisation des technologies web ou standard plutôt que des technologies propriétaires, dépendantes d’une plateforme ou spécifiques à un système d’exploitation (web app vs applications natives par exemple)
  • Limiter les dépendances externes (librairies / packages tiers)
  • Privilégier les versions LTS (Long-term support) des outils ou briques logicielles notamment open source
  • Privilégier des solutions open source mais vérifier les durées d’engagement de maintenance ou s’engager dans la maintenance de l’outil.
  • Amélioration progressive selon les possibilités du terminal (Progressive Web App)
  • Séparer les mises à jour évolutives des mises à jours correctives (vrai surtout pour les applications propriétaires et les systèmes d’exploitation)
  • Découpler le code métier des frameworks pour faciliter les mises à jour et les évolutions
  • Conception sobre : limiter les fonctionnalités, limiter la consommation de ressources informatiques (nombre de requêtes, poids, process, RAM…) et utiliser des composants natifs du système.

Salle serveur et centre de données

Les centres de données se développent pour répondre à des besoins et des usages qui ne font qu’augmenter. Une première bonne pratique de sobriété est de réduire ces besoins et usages, en questionnant leur pertinence. Pour les besoins et usages restants, on cherchera à réduire l’impact de l’utilisation des centres de données.

Les impacts environnementaux des centres de données sont multiples, et dus en particulier à la consommation d’électricité pour l’alimentation et le refroidissement des équipements informatiques, à la fabrication de ces mêmes équipements, à l’artificialisation des sols pour l’installation du centre de données et à la consommation d’eau.

Parmi les bonnes pratiques, on pourra notamment adopter la démarche du Code de conduite européen pour les centres de données et exiger cette adoption chez les partenaires afin de réduire en valeur absolue l’empreinte environnementale des datacentres.

Dans la suite de cette section, nous donnons quelques exemples de bonnes pratiques qui découlent pour la plupart du Code de conduite européen.

Fin d'usage

Pourquoi la fin d’usage des équipements est-elle un enjeu ?

La fin d’usage se caractérise par la fin d’utilisation d’un équipement dans son usage initial par son utilisateur ou son détenteur. Prolonger la durée de vie des équipements permet de ne pas en fabriquer de nouveaux, ou au moins de réduire ce besoin. Cela réduit la part d’impact environnemental liée à la fabrication du matériel en la diluant sur une durée de vie plus longue. Le prolongement de l’usage peut passer par plusieurs processus :

  • Le soin des équipements qui ne sont plus utilisés dans l’organisation, afin que les processus suivants puissent avoir lieu : un équipement doit être conservé dans des conditions correctes pour pouvoir être réutilisé en tout ou partie ensuite.
  • La réparation, remise en état ou reconditionnement de l’équipement, qui consiste à restaurer sa fonctionnalité initiale, afin de continuer à l’utiliser dans la même organisation (en interne), ou dans une autre organisation (en externe) via un don ou une vente.
  • Si l’équipement est réutilisé (après restauration physique ou logicielle) sans passer par un éco-organisme, on parlera de réemploi : cela concerne les réaffectations internes, les dons aux collaborateurs, les dons ou les ventes à des associations ou des tiers.
  • Dans le cas contraire, on parlera de réutilisation. Selon l’Article L541-1-1, on entend par réutilisation toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau.

Lorsque l’équipement arrive en fin de vie, idéalement quand les opérations de réemploi ne sont plus possibles (équipements hors-service et non réparables, trop obsolètes, sans marché de destination…), il devient un déchet. Le producteur du déchet est tenu pour responsable de son élimination jusqu’à sa valorisation finale.

Dès lors, l’enjeu consiste à recycler au mieux les déchets avec les plus hauts niveaux d’exigences imposés par la directive européenne DEEE. Une première étape consiste à dépolluer les équipements pour sécuriser les polluants. Une deuxième étape vise à valoriser les matières en les recyclant et/ou sous forme d’énergie. Enfin, ce qui ne peut pas être valorisé, sera enfoui dans les centres d’enfouissement techniques dédiés et contrôlés.

Pour ces opérations, le détenteur peut confier ses déchets à un éco-organisme ou au producteur de l’équipement organisé en système individuel. Et dans ce cas, sa responsabilité sera éteinte dès la collecte par ces-derniers (Article L541-10 du code de l’environnement).

Le détenteur peut aussi confier ses déchets à un gestionnaire de déchets ou un opérateur de traitement en vérifiant qu’il est autorisé à les prendre en charge, notamment qu’il est bien en contrat avec un éco-organisme ou que l’entreprise à qui il les confie pour traitement est elle-même en contrat. Mais le détenteur demeure responsable du déchet jusqu’à son élimination ou sa valorisation finale. Un traçage est donc indispensable.

Réemploi et recyclage ne s’opposent pas, ils ne concernent tout simplement pas la même étape du cycle de vie du produit. A la fin d’un usage, il est toujours utile d’allonger la durée de vie d’un équipement par une opération de réemploi quand elle est possible. Cela a pour effet de retarder la fin de vie. Une fois en fin de vie, le recyclage s’impose. Dans ce sens, il est donc important de choisir un éco-organisme agréé en fonction du taux de réemploi des matériels collectés et non de leur seule préparation pour le recyclage.